Architecture, numérique et pédagogie des arts plastiques

Un texte inspirant/ Introduction à la lettre TIC'Édu juin 2015

Par Jean-Luc BELTRAN, IA-IPR arts plastiques, académie de Créteil.
 
Dans l'enseignement des arts plastiques, l'architecture se résume encore trop souvent à des savoirs savants liés à des maquettes (merci la boîte à chaussures) ou encore, pour paraître plus contemporaine, à des manipulations de logiciels à l'intérieur d'une autre boîte, celle de l'ordinateur.
Pourtant, l'architecture, celle qui interagit sans cesse avec nous, qui répond à notre mobilité, ce territoire commun de nos corps est bien présente dans la salle de classe et au-delà. Et c'est cette architecture qui s'alimente de flux, de réseaux, de connexions, de circulations qui devrait être au cœur  de notre enseignement. Une architecture à la fois construite et numérique car visuelle, changeante et éprouvante. Une architecture en pleine TRANSMUTATION.

C'est ce nouveau cadre urbain, que l’élève parcourt et qui participe à la construction de son identité, qu'il faudrait travailler. S'intéresser aux croisements, aux télescopages, au renversement des règles (que dire d'un espace public où les interactions sociales diminuent et où chacun s'isole avec tablette et téléphone ?). Comment cet espace public grâce au son, à la lumière, aux images, à ces nouvelles relations au bâti, permet-il de capter à nouveau le promeneur et de redonner du lien à ces territoires en commun?  Espace de sensations à partager, l'espace public s'adapte au corps, le capture, le touche et voilà qu’il nous émerveille à nouveau.
Aux limites de cet espace public, la construction architecturale fait peau neuve. Elle mute.
Soit comme une architecture illusionniste issue du XVIIe et XVIIIe siècle, que Norman  Klein*nomme « baroque électronique » et dont la quintessence serait Las Vegas. C'est-à-dire une hybridation des espaces ou seul «the space between » (l'espace entre), aux multiples effets spéciaux, permet aux visiteurs  une fuite dans des options infinies qui donne à chacun l'impression d'une architecture de fabrique, c'est-à-dire une architecture de la technologie et du pouvoir marchand. Une architecture pour que chacun puisse se sentir libre d'afficher tous ses désirs ?
Soit comme une architecture qui se déconstruit, qui se fragmente, qui devient modulaire, plus fonctionnelle et qui se prolonge grâce au réseau virtuel.
Dans les deux cas, l'architecture se dématérialise et transforme les relations interpersonnelles. Dans cette architecture- réseaux, un espace-temps nouveau s'est installé. Le statut de flâneur doit être réinventé. L'architecture se construit autour des pratiques de chacun mais aussi de notre imaginaire. Le « je » prend le pas sur le «nous ». À l'heure de l'arrivée des casques de réalité virtuelle qui vont nous permettre d'être ici et ailleurs en même temps, n’est-il pas nécessaire d’engager nos élèves à créer de la mobilité d'abord à partir du bâti existant ?  Il semble important de s'emparer de ce construit à l'échelle réelle afin ensuite de pouvoir en modifier les usages et de créer une « réalité augmentée » grâce au numérique.
Terminons par citer Paul Valéry dans Eupalinos ou L'architecte ,1921 : «... Dis-moi (puisque tu es si sensible aux effets de l'architecture), n'as-tu pas observé, en te promenant dans cette ville, que d'entre les édifices dont elle est peuplée, les uns sont muets ; les autres parlent ; et d'autres enfin, qui sont les plus rares, chantent ?... ».
Professeurs et élèves, à vos promenades !       
                                                                     
*Norman M. Klein : écrivain, critique et théoricien vivant à Los Angeles (USA).  Principale publication:  The Vatican to Vegas: A history of special effects, (Du Vatican à Las Vegas: Une histoire d’effets spéciaux) 2004.

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